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IN PURSUIT OF FORM

12 oct. - 16 nov. 2023

HANS BELLMER

FÉLIX DEL MARLE

AUGUSTE HERBIN

MARCEL JEAN

DORA MAAR

LOUIS ROY

JEAN TINGUELY

Pour cette première exposition, nous avons sélectionné huit pièces singulières d’artistes de l’avant-garde du XXe siècle, dans lesquelles nous percevons une innovation, une différence qui nous interpelle. Une question nous a guidés lors cette sélection : Quelle force pousse l’artiste à adopter un trait singulier  ?

 

Ainsi, on s’intéresse à la recherche de la forme par l’artiste.  Il s’agit d’une quête personnelle, faite de préoccupations techniques et de réflexions théoriques.

 

Il est difficile d’isoler ces pratiques de l’environnement qui les a vues naître, tant les artistes se nourrissent des innovations de leurs pairs. Synthétistes, cubistes, futuristes, surréalistes, nouveaux réalistes… Autant de mouvements aux corpus théoriques plus ou moins définis, auxquels les artistes contribuent et dont ils se nourrissent. C’est aussi en opposition à ces mouvements que se construisent les recherches formelles de chacun, et qu’ainsi, de nouveaux idéaux émergent.

C’est cette tension dans la création, entre convictions intimes et influences extérieures, que nous explorons dans l’exposition.

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Auguste Herbin (1882 - 1960)

Nature Morte à la cruche

1909

Huile sur toile

Signé 'herbin'  en bas à gauche

81 x 65 cm | 31  7/8 x 25  5/8  in.

​La couleur est très présente dans l'œuvre du jeune peintre Herbin et son voyage en Corse en 1907 consacre sa palette fauve. Comme la plupart de ses contemporains,   Auguste Herbin est profondément marqué par la rétrospective de Cézanne au Salon d'Automne de 1907. Il en retirera une volonté de simplification toujours plus poussée des formes et sa peinture prend un nouveau virage radical.

Car en 1908, Auguste Herbin s'installe au mythique Bateau-Lavoir, et a pour voisin Pablo Picasso. Au cœur de ce laboratoire, où passent en particulier Georges Braque et Gino Severini, la peinture d'Auguste Herbin évolue vers le cubisme.

Dans Nature morte à la cruche, Herbin décompose les plans et la réfraction de la lumière. Il n'a toutefois pas abandonné sa palette, il joue des volumes avec la forme, mais aussi avec la couleur. Bien qu'analytique, sa toile conserve la vibration puissante d'une toile fauve, et rappelle plus les œuvres de Matisse que celles de ses amis du Bateau-Lavoir. 

 

Herbin est à un tournant de son évolution artistique, à la recherche de simplification, mais toujours attiré par la couleur.

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"Il y a à considérer deux effets dus au mouvement : l’un qui est oculaire, l’autre purement émotif."
Félix Del Marle, Le Futurisme (dynamisme, emotion, synthèse), 1915

"IL FAUT DETRUIRE MONTMARTRE !!!"​

C'est avec cette incroyable formule qu'un jeune peintre s'attaque, en juillet 1913, au monde de l’art Montmartrois. Dans son manifeste à Montmartre, Félix Del Marle devient ainsi le premier (et finalement unique !) peintre futuriste français.

Le mode d'action futuriste est le combat et c'est par le combat que la forme de Del Marle émerge sur sa toile. S'il concède aux cubistes la bonne intention de représenter la simultanéité des aspects, Del Marle entend pousser les choses plus loin : on doit sentir le parfum, ressentir la matière, voir la vitesse. Pour cela, Del Marle retient sur sa composition les lignes qui triomphent des autres, ce qu'il appelle les lignes-forces. Ces lignes-forces sont le résultats des sensations retenues par le peintre.

Cette Diane chasseresse illustre parfaitement les idées futuristes de Félix Del Marle. Il détourne un sujet académique pour en faire une scène de vie moderne, une femme promenant son chien. La promenade est un prétexte à la décomposition de leurs mouvements, rappelant le mythique tableau de Giacomo Balla Dynamisme d’un chien en laisse (1912). Les enseignes « CASINO » et « BUVETTES ET GARGARISMES » sont les marqueurs évidents d’une vie moderne tumultueuse, faite de bruit et de frénésie.

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Félix Del Marle (1889 - 1952)

Diane chasseresse

c. 1913

Huile sur toile

65 x 50 cm | 25  5/8 x 19  5/8 in.

"L'imaginaire est ce qui tend à devenir réel."
André Breton, Le Revolver à cheveux blancs, 1932

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Marcel Jean (1900 – 1993)

La Nouvelle Journée

1935

Encre sur papier

62 x 47 cm | 8 1/4 x 5 3/8  in.

​Marcel Jean est considéré comme l'un des meilleurs historiens du mouvement surréaliste, au point qu’on en oublie sa place fondamentale en tant que plasticien. Il participe à toutes les manifestations importantes du groupe à partir de 1933.

 

Dans ces années 1930, le travail sur l’inconscient et son illustration est central chez les surréalistes, porté en particulier par Salvador Dali. Ce dessin d’une incroyable finesse foisonne de détails rocambolesques qui permettent d’évoquer la multitude de rêves, délires et fantasmes imprégnant l’esprit de celui qui s’éveille.

 

Marcel Jean se définit avant tout comme un créateur : "À l'école [...] Je dessinai des cartes de pays imaginaires avec leurs montagnes, rivières, mers et côtes, villes et routes. J'inventai des noms pour tous ces lieux et j'écrivis des descriptions complètes des continents créés par mes dessins » ¹

 

Par sa forme organique et ciselée Marcel Jean dessine les contours d’un univers personnel qui se suffit à lui-même. À ce titre, La Nouvelle Journée n’est pas qu’un état semi-conscient mais bien un nouveau monde.


¹ Au Galop dans le vent, Marcel Jean, 1991, Ed. Jean-Pierre de Monza, p. 9

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Hans Bellmer (1902 – 1975)

Fillettes

1938

Gouache sur papier noir

65 x 50 cm | 25  5/8 x 19  5/8 in.

En 1938, Hans Bellmer rejoint pour de bon Paris, après le décès de son épouse Margarete. D'autant qu'il s'est déjà lié avec le groupe des surréalistes depuis son premier voyage, en 1935. Bellmer est en particulier proche de Georges Hugnet, qui admire son travail. Ils collaborent pour l'ouvrage Œillades ciselées en branche. Bellmer réalise 25 illustrations autour des poèmes calligraphiés de Hugnet. 

Le dessin Fillettes est fidèlement repris dans l’une des illustrations de ce recueil. Les fillettes de Bellmer se métamorphosent et on comprend chez l'artiste le désir de modifier les corps comme une façon de modifier la réalité. Dans ce dessin, la fillette est confrontée à la démultiplication de ses membres. Elle semble se scruter comme pour matérialiser la réalité de son corps, alors que son dédoublement pose le doute de son existence propre.

Joë Bousquet (poète et ami de Bellmer, premier propriétaire de ce dessin) disait de lui qu'il «emploie sournoisement le trait exact et volontaire, réservant d'ailleurs ce dessin d'ingénieur aux figures qui se retournent contre l'ingénieur et dépassent ses calculs». Cette recherche de perfection plastique dans le rendu est donc au service des préoccupations philosophiques de Bellmer sur le corps et la réalité. 

L'horreur de la  première Guerre Mondiale aura eu raison des principes futuristes de Félix Del Marle. Il reste toutefois actif dans l'avant-garde artistique et après une période musicaliste au contact de Kupka, il adhère au néoplasticisme du groupe De Stijl. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, alors confiné dans son village natal de Pont-sur-Sambre (Nord), il entame une période surréaliste alors qu’il n'a aucun contact avéré avec le groupe.

La forêt de Mormal qui se trouve à la sortie de son village devient son sujet principal, presque obsessionnel lors de ces années de guerre. La forme surréaliste de Del Marle est teintée de symbolisme. Elle lui permet de s'exprimer librement dans une période de restrictions totales.

Dans Synthèse de la Forêt, la forêt est teintée d’érotisme, évoquant un nu allongé au visage jeté en arrière. On en apprend plus dans un essai sur la grande version de ce tableau, qui se trouve au Musée de Grenoble² : le tableau fut offert par Del Marle à son modèle, Gisèle Courbet, qui explique dans ses lettres que cette œuvre est le fruit d’une brûlante passion… Par son rendu mystérieux et symbolique, la forme surréaliste de Del Marle fait le lien entre sa sensibilité et son imagination, dont il résulte une composition très intime.

² Synthèse de la Forêt, 1943, de Félix Del Marle, Une nouvelle donation au musée de Grenoble, Patricia Belbachir, dans la Revue du Louvre et des Musées de France, no. 1 - Janvier 1999, pp. 58 - 61

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Félix Del Marle (1889 – 1952)
Synthèse de la Forêt

1943

Huile sur panneau

36,8 x 54,2 cm

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Dora Maar (1907 – 1997)

Quatre études de visage

c. 1939

encre bleue sur papier à en-tête (Le Régent, Royan)

20,8 x 13,5 cm | 8 1/4 x 5 3/8  in.

Après des mois d'hésitations, Dora Maar et son compagnon Pablo Picasso se réfugient à Royan au début de la Seconde Guerre Mondiale. C’est une période de travail intense pour Dora Maar, qui a renoué depuis quelques années avec le dessin et la peinture, poussée par Picasso.

Ce dessin évoque immédiatement le travail d'atelier, par la répétition du motif et l’utilisation « spontanée » d’un papier à en-tête. Dans cette quadruple étude, pourtant, l’occupation de l'espace est réfléchie et Dora Maar utilise une encre bleue, quand ses dessins d'atelier sont habituellement réalisés au crayon. Ajoutons à cela l'existence d'un second dessin presque identique³, laissant penser que cette feuille est plus qu'une étude. Dora Maar nous offre quatre masques, quatre états sentimentaux d'intensité variable. 

Il est difficile de ne pas voir Picasso en regardant ce dessin. Dora Maar digère encore le processus de création de son compagnon pour le faire sien. C'est par l'incessante répétition du motif - on sait à quel point le portrait tient à cœur au Malaguène - qu'elle s'approprie le langage de celui qu'elle considère comme un maître absolu de la peinture. L'élève Dora Maar va peu à peu inventer son propre langage pictural, s'extirpant de l'emprise du maître...

³ Dora Maar, Secrets d'atelier, 2023, ed. Dilecta, no. 207 et 208, p. 121

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Louis Roy, peintre jurassien arrivé en Bretagne en 1882 est proche des artistes synthétistes et en particulier de Gauguin qui, dès 1886, lui offre une toile affectueusement dédicacée ‘Au seigneur Roy’.

 

Cet éventail est dédié (‘Hommage respectueux’) à Madame Bauchy, femme d'Auguste Bauchy, propriétaire d'un café (Café des Variétés) dans les années 1880. Il ne faut cependant pas y voir un hommage galant ! La peinture sur éventail a, depuis les Impressionnistes, bien changé. Ce n'est plus l'éventail-objet qui intéresse les artistes mais l'éventail-forme.

 

La forme de l'éventail oriente naturellement le regard vers le centre. Roy y trace une ligne d'horizon oblique qui sépare l'éventail en deux parties. Cloisonnant ainsi les deux espaces, il place en bas les activités terrestres et en haut un horizon onirique qui fusionne avec le ciel. Les espaces sont séparés par des arbres alors que l'église et son clocher relient les deux mondes. 

Le rendu synthétiste de cette composition est une preuve de l'adhésion de Louis Roy aux idées de ses amis. Ses larges aplats de couleurs vives ainsi que le cloisonnement des plans et des choses donnent à cet éventail une véritable vibration. Cette vibration traduit le ressenti du peintre, qui met la forme de son objet au service de la forme de son sujet.

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Louis Roy (1862 – 1907)

Paysage breton

1901

Aquarelle sur soie

Signé, daté et dédicacé en bas à gauche 'À Madame Bauchy, hommage respectueux. Roy 1901'

45,5 x 23 cm | 18 x 9  1/8  in.

Je n'arrivais pas à décider : "Voilà, c'est terminé"; à choisir le moment où le tableau est donné à la pétrification. C'est à partir de là, au fond, que le mouvement s'est imposé à moi. Le mouvement me permettait d'échapper à cette pétrification, à cette fin, me permettait de dire "Voilà, c'est terminé".
Jean Tinguely, extrait d'une interview recueillie par Charles Goerg et Rainer Michael Mason, juin 1976

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Jean Tinguely (1925 – 1991)

Sans titre

1988

Collage, technique mixte sur panneau noir

65 x 49 cm | 25  5/8 x 19  1/4 in.

Le format et le medium sont au commencement des interrogations artistiques de Jean Tinguely. Préoccupé par la finitude de la feuille de papier, par l’immobilisme du trait, il est à la recherche de l’infinité de la forme par le mouvement perpétuel. Cette recherche de mouvement donnera corps à toutes ses créations de machines. Dès lors, la création en deux dimensions et figée semble trop restrictive pour Tinguely. 

S’il s’intéresse au mouvement et à la vitesse dans son œuvre, c’est en particulier le côté répétitif de la machine qui lui plaît. Ainsi la machine n’est plus effrayante, elle sombre dans le burlesque, le sisyphéen. La vie en harmonie entre hommes et machines devient alors possible. 

« Fabricant de machines », Tinguely n’aimerait-il pas les dessiner ? Il admet dessiner pour s’aider à la construction ou pour les améliorer et même les rêver.

 

Cette œuvre matérialise le plaisir que Jean Tinguely prend à réutiliser des matériaux pour leur donner vie. Le carton déplié symbolise l’action même d’ouverture, pleinement réalisée grâce à ses mécanismes  apparents : des roues, une machinerie faite de couleurs et une tête. La partie supérieure, avec ses collages et sa roue en guise d’œil de cyclope, semble être le système nerveux de ce mécanisme de dépliage, si vivant.

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